Projet Scientifique
Les conditions environnementales et climatiques constituent des éléments intemporels de la stratégie militaire. Les questions de topographie des sites et d’accès aux ressources vitales que de climat et de déroulement des batailles soulignent des liens historiques entre actions militaires et environnement. De même, des recherches scientifiques et militaires ont été menées pour utiliser la nature comme arme, contribuant, par ailleurs, au développement d’un discours alarmiste en matière d’environnement. Toutefois, si les préoccupations des militaires en matière d’environnement et de climat ne sont pas récentes, on observe un renouvellement des inquiétudes en matière d’écologie après la fin de la guerre froide et dans un contexte de restriction budgétaire. En effet, à partir des années 1980, et de manière croissante dans les années 1990, les réflexions des états-majors en matière d’environnement, aux États-Unis et au Royaume Uni en particulier, se sont multipliées. Plus récemment, les stratégies nationales militaires de développement durable, le développement de la géostratégie de l’environnement, les tentatives d’anticipation des risques climatiques sont autant de manifestations de l’intensification de l’intérêt du monde de la défense pour l’environnement et le climat.
Le travail fondamental de T. Homer-Dixon sur les ressources naturelles et les conflits armés (1991 ; 1999) a été suivi d’une importante littérature complémentaire et parfois critique, qui s’est focalisée sur des cas d’étude précis. Ces cas analysent par exemple le rôle du changement climatique dans l’éruption du Printemps Arabe, ou encore questionnent les interactions complexes entre les sécheresses, les migrations forcées, les réponses gouvernementales inadéquates et le déclenchement de la guerre civile en Syrie.
La reconnaissance des dimensions environnementales de la sécurité a rassemblé une forme de communauté de recherche réunie autour des concepts de « diplomatie environnementale », « consolidation environnementale de la paix » et « construction environnementale de la paix ». Son objectif est triple : elle étudie les conséquences des conflits armés sur l’environnement, le rôle des questions environnementales dans le déclenchement et la poursuite des conflits armés, et l’utilisation de l’environnement comme plateforme de coopération et de consolidation de la paix.
En parallèle de ces approches, la pensée critique a émergé au sein de l’écologie politique, de la géographie critique et des études critiques de sécurité pour contester les modèles qui lieraient trop facilement les enjeux environnementaux aux problèmes d’insécurité. Ces approches se focalisent sur d’autres questions. Tout d’abord, elles s’interrogent sur les acteurs touchés par ces insécurités, en particulier les populations vulnérables et la planète elle-même plutôt que l’Etat nation. Elles étudient également les dimensions historiques, matérielles et spatiales des « menaces environnementales », en prenant en compte l’héritage colonial, les dynamiques de pouvoir et la coexistence de la coopération et du conflit à travers le temps. Enfin, la recherche sur la sécurisation de l’environnement déconstruit le cadrage sécuritaire. Elle vise à comprendre comment et pourquoi un enjeu environnemental est considéré comme relevant de l’agenda sécuritaire : elle interroge les intérêts politiques qui motivent les discours alarmistes et attire l’attention sur les risques découlant de raccourcis simplistes entre environnement, climat et sécurité.
L’objectif de cette section est précisément d’offrir un espace de dialogue interdisciplinaire, afin de permettre aux différents acteurs et chercheur.e.s s’intéressant à ces questions de se rencontrer et de contribuer à la reconnaissance des aspects environnementaux de la guerre et de la stratégie. Elle a pour vocation, dans le prolongement de la mission de l’AEGES, d’approfondir le lien entre le monde universitaire et les acteurs civils et militaires concernés, et de contribuer à la structuration des études sur la guerre et la stratégie en France.
Activités du groupe
Dès la création du groupe de travail, nous avons mis en place une veille scientifique sur le site de l’AEGES afin de relayer les appels à publication, manifestations scientifiques et publications académiques relatives aux aspects environnementaux de la sécurité, de la guerre et de la stratégie.
- Juin, présentation d’un panel « Climate change and security actors » à l’EISS (European Initiative of Strategic studies)
Le programme est disponible ici. Le panel est présidé par Krystel Wanneau (Free University Brussels (ULB) / Laval University). Participants : Florian Vidal (Paris II), Dhanasree Jayaram (Manipal Academy of Higher Education – University of Lausanne), Adrien Estève (Sciences Po – CERI), Mikaa Mered (ILERI-NEOMA).
- Décembre, Constitution d’un panel et de posters pour le congrès de l’AEGES
Avec des intervenants issus de la journée d’étude organisée en octobre ou contactés directement pour présenter leurs travaux ou engager la discussion.
- Octobre (première quinzaine) Journée d’étude au Centre de Recherches Internationales (CERI)
Pour cartographier le champ autour des thématiques du groupe, dresser un bilan des connaissances actuelles et envisager des collaborations concrètes pour participer à une meilleure diffusion de ces travaux et à l’élaboration de projets collectifs. Cette première journée permettrait de délimiter le champ dans l’optique d’une publication collective sur les questions d’environnement et de défense (maison d’édition potentielle : CNRS Editions).
Responsables du groupe de travail
Meryam El Bouhati est doctorante en science politique au Centre d’études et de recherches administratives, politiques et sociales (CERAPS). Elle mène, dans le cadre de sa thèse, une réflexion sur l’environnementalisation de la paix et les liens entre l’eau, les conflits et les pratiques des acteurs du développement international. Sa recherche se déroule au Liban.
Adrien Estève est docteur et ATER en science politique à Sciences Po. Sa thèse étudie l’émergence des problématiques environnementales et climatiques dans les politiques de défense et les doctrines militaires, en France et aux États-Unis. Il est coresponsable du groupe de recherche « Environnement et relations internationales » du CERI.
Contact : adrien.esteve@sciencespo.fr
Lucile Maertens est maître-assistante en relations internationales à l’Université de Lausanne. Elle co-supervise un séminaire de recherche sur l’environnement et les relations internationales à Sciences Po-CERI, CNRS. Ses travaux portent sur l’action des organisations internationales dans les domaines de l’environnement et de la sécurité internationale. Elle conduit actuellement un nouveau projet de recherche sur l’action de l’ONU en Haïti.