Le Jury du prix de thèse de l’AEGES, présidé par la professeure Jenny Raflik, vient de rendre son verdict. Il a attribué le prix de thèse à Yaodia Sénou Dumartin pour son travail intitulé « La constitution comme facteur de conflit armé dans l’État : recherche interdisciplinaire ».
Il a également décerné une mention spéciale à la thèse de Colin Gérard, intitulée « La stratégie d’influence informationnelle de la Russie en France : acteurs, pratiques et circulation » et à celle de Pascal Martin consacrée au « renseignement en France face au cyberespace et aux nouvelles technologies de l’information et de la communication ». Nous leur adressons toutes nos félicitations !
La remise des prix a eu lieu lors d’une cérémonie organisée à l’Université Paris Panthéon-Assas le lundi 13 mai 2024.
Lauréate : Yaodia Sénou Dumartin, « La constitution comme facteur de conflit armé dans l’État : recherche interdisciplinaire »
Résumé de la thèse : Prenant le contrepied de la présentation classique de la constitution, selon laquelle la constitution serait une norme pacificatrice des rapports sociaux, la thèse examine les potentialités conflictuelles de la constitution. Fondée sur une méthode interdisciplinaire associant la méthode économique (théories économiques et économétrie) à l’analyse juridique, la thèse envisage la constitution en tant que déterminant du conflit armé intraétatique et attribue un poids aux différents facteurs constitutionnels dans la survenance de celui-ci. Aussi bien la lettre de la constitution que la pratique de celle-ci peuvent détenir une charge conflictuelle. Les dispositions constitutionnelles écrites peuvent s’avérer conflictuelles dans la mesure où elles actent une répartition des compétences, déterminent des droits et libertés fondamentaux, consacrent une identité. La pratique constitutionnelle est susceptible d’assumer un rôle encore plus important dans la survenance du conflit armé puisqu’elle conditionne la mise en œuvre effective des principes pacificateurs de la constitution, l’appropriation par le peuple de la constitution ou encore la défiance envers celle-ci. La pratique constitutionnelle contribue alors à faire de la constitution une alternative au recours à la violence ou au contraire l’encourage. Ainsi, la constitution se présente comme un paramètre explicatif du conflit armé intraétatique.
Yaodia Sénou Dumartin effectue actuellement un post-doctorat à l’Institute of Law and Economics de l’Université d’Hambourg, dans le cadre du programme Ambassadeur de la DGRIS/IRSEM. Ayant suivi une formation juridique, elle a effectué une thèse interdisciplinaire (droit et économie) à l’Université de Bordeaux sous la direction du Professeur Hourquebie et de Monsieur Jean Belin. Sa thèse envisage la constitution comme un déterminant (possible) du conflit armé interne (au sein de l’Etat). Pour cela, elle se fonde sur une méthode interdisciplinaire associant l’analyse économique (théories économiques et économétrie) à l’analyse juridique permettant ainsi d’attribuer un poids aux différents facteurs constitutionnels dans la survenance de celui-ci puis de proposer une explication de cette relation. Yaodia s’intéresse donc aux questions de défense et, à ce titre, participe aux activités de l’école militaire (séminaires doctorants notamment) ou de l’IHEDN (cycle de formation). Ses travaux de recherche portent également sur le contentieux constitutionnel, qu’elle a enseigné en travaux dirigés. Elle étudie particulièrement l’impartialité du Conseil constitutionnel.
Mention spéciale : Colin Gérard, « La stratégie d’influence informationnelle de la Russie en France : acteurs, pratiques et circulation »
Résumé de la thèse : La Fédération de Russie développe, depuis le milieu de la décennie 2000, une stratégie d’influence informationnelle vers l’étranger, qui se déploie principalement sur Internet et les réseaux sociaux. Initialement intégrée dans le cadre plus large d’une politique de diplomatie publique, dont l’objectif était d’améliorer l’image de la Russie et de renforcer son attractivité, cette stratégie est devenue, près de deux décennies après son lancement, une des principales composantes de la politique étrangère russe, ainsi qu’une menace sécuritaire majeure pour les États européens et nord-américains, à l’origine de nouvelles rivalités géopolitiques.
Ce travail vise à répondre à deux grandes questions. Comment la Russie déploie-t-elle une stratégie d’influence informationnelle axée sur une utilisation des nouvelles technologies du numérique, mise en œuvre par un écosystème d’acteurs de différentes natures et reposant sur une large typologie de pratiques ? Comment une stratégie pensée comme un outil de promotion de l’image de la Russie a-t-elle évolué jusqu’à devenir une menace sécuritaire majeure en France, où elle entraîne une réponse participant à un phénomène de fragmentation du cyberespace ?
Colin Gérard est docteur en Géographie mention géopolitique, après avoir soutenu en décembre 2023 une thèse consacrée à la stratégie d’influence informationnelle de la Russie ciblant la France. Chercheur au centre Géopolitique de la datasphère (GEODE) de l’Institut français de géopolitique (Université Paris 8), ses travaux sont consacrés aux différentes pratiques d’influence mises en œuvre par la Russie, et sur l’élaboration de méthodologies d’analyse pour détecter et cartographier ces différentes pratiques.
Il a récemment publié :
- Audinet, M. & Gerard, C. (2024) « Soleils trompeurs : crise et recomposition du dispositif d’influence informationnelle de la Russie après l’invasion de l’Ukraine », Réseaux, à paraître (article accepté).
- Gerard, C., Barenco, F. & Letoqueux, H. (2024) « Exposer les ingérences numériques étrangères : une action indispensable au service de la stratégie française de lutte contre les manipulations de l’information », Annuaire de la Défense nationale, IHEDN, La Découverte (à paraître)
- Audinet, M. & Gerard, C. (2022) « Les « libérateurs » : comment la « galaxie Prigojine » raconte la chevauchée du groupe Wagner au Sahel », Le Rubicon.
Mention spéciale : Pascal Martin, « Le renseignement en France face au cyberespace et aux nouvelles technologies de l’information et de la communication »
Résumé de la thèse : Le cyberespace est au cœur des évolutions des doctrines de défense des États et constitue une zone d’action pour les services de renseignement français, qui ont dû évoluer face à ce nouvel environnement opérationnel. En conséquence, le renseignement technique occupe désormais une place primordiale et suppose une adaptation des services par la création de structures mutualisées, des stratégies de ressources humaines adaptées, l’attribution de moyens financiers importants, une évolution des modes opératoires (nouvelles perspectives dans le renseignement humain) et une collaboration accrue entre services, secteur privé et monde universitaire.
L’accroissement inédit et exponentiel du nombre de données à traiter constitue un défi de premier ordre pour les services, tout comme l’accès à ces données. Ces nouveaux enjeux supposent une importante capacité d’innovation et une évolution des processus d’analyse, ainsi que le développement d’outils technologiques permettant le stockage, le traitement et l’exploitation de masses de données colossales.
Enfin, en raison de cette connectivité croissante, l’action clandestine doit s’adapter constamment pour pleinement exploiter mais également contourner les contraintes liées aux technologies (biométrie, reconnaissance faciale, passé numérique des individus, etc.), tandis que ce mode opératoire est pleinement décliné au cyberespace (vol de données, sabotage, subversion, influence, désinformation…). Dans ce cadre, les services de renseignement voient leur rôle renforcé comme acteurs d’une cybercoercition au profit d’enjeux géopolitiques.
Officier de gendarmerie, Pascal Martin est diplômé de l’École des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN) et titulaire d’un Master II de droit de l’Université Paris II Panthéon-Assas. Docteur en histoire moderne et contemporaine de l’Université de Bordeaux, sa thèse porte l’adaptation du renseignement français au cyberespace.
En parallèle de ses fonctions professionnelles dans la police judiciaire, il est chercheur associé à l’Institut de recherche Montesquieu (IRM) de l’université de Bordeaux ainsi qu’au Centre de recherche de l’École des officiers de la gendarmerie nationale (CREOGN).
Ses recherches et publications portent sur les problématiques liées à la fonction « connaissance et anticipation » ainsi que les thématiques liées aux manipulations de l’information.