Le Jury du prix de thèse de l’AEGES, présidé par la professeure Jenny Raflik, vient de rendre son verdict. Il a attribué le prix de thèse à Agathe Couderc pour son travail intitulé « Sous le sceau du secret. Les coopérations internationales des Chiffres britannique et français, militaires et navals pendant la Première Guerre mondiale ».
Il a également décerné une mention spéciale à la thèse de Joanne Kirkham, intitulée « Les systèmes d’armes létaux autonomes : une étude de droit international » et à celle de Maïlys Mangin consacrée à « La conversion de l’AIEA à la lutte contre la prolifération nucléaire« . Nous leur adressons toutes nos félicitations !
La remise des prix a eu lieu lors du congrès de l’AEGES à Bordeaux, le 8 juin 2023.
Lauréate : Agathe Couderc, « Sous le sceau du secret. Les coopérations internationales des Chiffres britannique et français, militaires et navals pendant la Première Guerre mondiale »
Résumé de la thèse : Pendant la Première Guerre mondiale et à la faveur de l’évolution des télécommunications de la fin du XIXe siècle, une nouvelle branche du renseignement émerge : le renseignement technique, fondé sur les interceptions de messages transmis par les ondes. À l’aune de ces progrès techniques, la cryptologie (ou science des écritures secrètes) militaire connaît un développement accéléré pendant la Grande Guerre, qui se traduit, au sein des forces armées des belligérants, par la création ou l’élargissement de services dits « du Chiffre », spécialisés dans la protection des communications nationales et dans l’attaque des messages codés étrangers. Comparer les Chiffres des armées et marines françaises et britanniques met en lumière plusieurs similitudes dans l’instauration de ces services, notamment dans le recrutement d’un personnel soumis au secret. Malgré cet impératif du secret, une coopération secrète, interarmes et interalliée, se noue entre les Chiffres de l’Entente cordiale. Cette alliance comprend la construction de codes et systèmes de chiffrement secrets communs, et le partage d’informations issues du renseignement technique. En suivant les Chiffres de l’Entente de l’avant-guerre jusqu’à l’après-guerre et la pérennisation de ces services spéciaux, cette thèse souligne l’importance de la cryptologie pour la coopération secrète des Français, des Britanniques et de leurs autres alliés.
Agathe Couderc est docteure en histoire des relations internationales et de l’Europe depuis décembre 2022. Elle a soutenu sa thèse, réalisée sous la direction du professeur Olivier Forcade et intitulée Sous le sceau du secret : les coopérations internationales des Chiffres britannique et français, militaires et navals pendant la Première Guerre mondiale, à Sorbonne Université. Agrégée d’histoire, elle est actuellement ATER (Attachée Temporaire d’Enseignement et de Recherche) en histoire contemporaine à Sorbonne Université et y assure des Travaux Dirigés sur l’histoire globale du XIXe siècle, l’Europe de 1815 à 1945 et l’histoire sociale et culturelle de la Grande Guerre. Ses recherches portent plus précisément sur l’histoire du renseignement, les relations internationales en temps de paix et en temps de guerre et sur l’évolution des techniques de communication au début du XXe siècle.
Elle a contribué à plusieurs revues comme Stratégique (2014), Études Marines (2018) ou Circé. Histoire, Savoirs, Sociétés (2020) et a publié dans l’Encyclopédie pour une histoire numérique de l’Europe (2021). Elle est également intervenue dans des colloques internationaux (dont Espionnage et renseignement dans la Première Guerre mondiale, en 2014, Le Secret de l’État en 2016), des journées d’étude nationales (La Marine et les Marins, en 2016), et des manifestations d’histoire publique (comme les derniers Rendez-vous de l’Histoire consacrés à la mer, en 2022).
Mention spéciale : Joanne Kirkham, « Les systèmes d’armes létaux autonomes : une étude de droit international »
Résumé de la thèse : L’adaptation du droit aux nouveaux phénomènes est une question centrale tant un décalage peut exister entre l’avènement de ruptures technologiques et l’avènement de normes susceptibles de les réguler. En ce sens, l’arrivée systèmes d’armes létaux autonomes sur les champs de bataille, pouvant accomplir des missions parfois létales en complète autonomie, questionne l’applicabilité et la pertinence du droit international public. Ainsi, l’objet de la thèse est de déterminer si le droit international peut être transposé dans son intégralité à ces nouveaux systèmes, ou s’il doit être adapté et transformé, pour combler ce que certains considèrent comme un vide juridique.
La thèse a ainsi traité de l’adaptation du droit international par le biais de l’interprétation de différents corpus juridiques, analysés à l’aune des caractéristiques des systèmes, comme le droit des conflits armés, le droit international des droits de l’Homme ou encore les mécanismes traditionnels de responsabilité individuelle et étatique. La thèse propose aussi des vecteurs de cette adaptation, comme des nouveaux principes juridiques (le contrôle humain) ou des moyens programmatiques. Plus largement, cette étude a permis de réfléchir aux la thèse aux limites des modes traditionnels de formation du droit et de proposer des solutions alternatives, comme par exemple l’établissement d’un code de conduite international sur les SALA.
Joanne Kirkham est actuellement conseillère juridique spécialisée en en maîtrise des armements au sein du bureau du droit des conflits armés du Ministère des armées. Elle est docteure en droit international public de l’Université Paris Panthéon-Assas. Après un double diplôme en droit français et droit anglais entre l’Université d’Essex (RU) et l’Université Lyon III, elle a poursuivi ses études au sein de l’Université Paris Panthéon-Assas. Pendant son doctorat, elle a assuré divers enseignements, et effectué un séjour de recherche au département de War Studies de l’Université King’s College à Londres. Elle a soutenu sa thèse, « Les systèmes d’armes létaux autonomes : une étude de droit international » sous la direction des Pr. Olivier de Frouville et Julian Fernandez le 10 décembre 2022.
Mention spéciale : Maïlys Mangin, « La conversion de l’AIEA à la lutte contre la prolifération nucléaire »
Résumé de la thèse : Cette thèse analyse les transformations des missions de non-prolifération nucléaire de l’AIEA et des usages qui en sont faits, de sa création pendant la guerre froide à la crise nucléaire iranienne. Elle expose les fondements sociaux d’un processus de politisation de l’AIEA, caractérisé par l’intensification et la conflictualisation des échanges de coups entre les acteurs et secteurs sociaux qui mobilisent les ressources institutionnelles de cette organisation internationale. A partir d’entretiens et d’archives variés, la thèse met en lumière les contraintes que ce contexte de politisation exerce sur les perceptions et les pratiques des acteurs à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières institutionnelles de l’AIEA. Alors que les activités de non-prolifération de l’AIEA sont pendant la guerre froide un effet secondaire de la politique d’exportation nucléaire civile des États-Unis, ces activités deviennent prioritaires à partir de 1991 : elles s’imposent avec une interprétation plus intrusive du mandat de l’Agence, dans le cadre de la restructuration post-guerre froide de la politique étrangère étasunienne au Moyen-Orient. La thèse montre enfin comment ce processus de politisation de l’AIEA, en tant que « logique de situation », structure la façon dont l’expertise de l’AIEA est produite et mobilisée dans le cadre du dossier nucléaire iranien.
Maïlys Mangin est chercheuse post-doctorale au Centre de Recherche de l’Ecole de l’Air (CREA) – ANR ASTRID CIGAIA, et chercheuse associée au projet Managing the Atom de la Harvard Kennedy School, où elle a été Research Fellow entre 2020 et 2022.
Ses travaux portent sur les usages de l’expertise et de l’information dans le cadre de controverses publiques internationales. Sa thèse s’intéresse au rôle de l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA) dans les politiques internationales de lutte contre la prolifération en Irak et en Iran. Dans le cadre de son post-doctorat, elle travaille sur les controverses et les enjeux de désinformation dans le contexte de la guerre en Ukraine, ainsi qu’au développement d’un algorithme d’intelligence artificielle comme outil d’appui à l’analyse. Elle poursuit par ailleurs son travail sur les politiques de maîtrise des armements nucléaires aux États-Unis, les effets des changements du système international sur les institutions internationales, ainsi que sur le rôle des médias et des institutions internationales dans les négociations nucléaires, et les risques d’escalades politiques.